69 Avant-Goût Qu’il est bon de ramener sa fraise des bois, grappillée sur le talus, élégante petite pépite dont, quand on en a la patience, on remplit un bol et qu’on mange telle quelle ou avec du sucre et de la crème. Dans Fraise1, le chef pâtissier Gilles Marchal rappelle ce souvenir à la manière d’une madeleine de Proust partagée avec son grand-père : « “Des fraises des bois, me souffle-t-il sur le ton du secret.Voilà l’origine. Celles qu’aimaient déjà les Romains.Goûtemoi ça, tu m’en diras des nouvelles.” » Il y a des dizaines de milliers d’années, nos ancêtres chasseurs-cueilleurs devaient déjà ainsi se régaler de la fraise des bois en Europe, en Asie et en Amérique car le fraisier sauvage est une des plantes les plus répandues au monde. Ils ne savaient pas, comme beaucoup de nos contemporains, que la fraise est en fait un faux fruit qui appartient à la famille des rosacées où l’on trouve les rosiers, les ronces, les framboisiers, l’épine noire, etc. Les « vrais » fruits du fraisier sont, en fait, les akènes, ces minuscules graines disséminées sur toute la robe rouge de la fraise dans laquelle nous croquons avec gourmandise. Même Picasso (1881-1973) a été sensible à cette singularité comme le racontent Thierry Delahaye et Pascal Vin dans leur passionnant La Fraise2, citant ainsi le plus célèbre peintre du XXe siècle : « “Le fond d’un fruit est dans son pépin et chez la fraise, les pépins sont à la surface ! Alors où est le fond, Q Elle a traversé l’histoire et les continents. Il y a des dizaines de milliers d’années, nos ancêtres chasseurs-cueilleurs s’en régalaient. Dans la nuit des temps, on trouve la fraise aussi en Asie et en Amérique. où est la forme ?”Quoi qu’il en soit, les six cents variétés de fraises fourniront les premiers fruits du printemps, les desserts de l’été et d’agréables surprises à l’automne. » FRUIT DES GRANDES EXPÉDITIONS Qu’elle est jolie l’étymologie latine du Fragaria vesca, le fraisier des bois, qui renvoie à toute la richesse parfumée et à la suavité du mot « fragrance » cher aux parfumeurs ! Pour autant,les Romains et les Grecs ne cultivaient pas le fraisier. Le poète latin Ovide (43 av. J.-C.-17 apr. J.-C.) l’évoque dans quelques vers champêtres. Dans ses Bucoliques, son collègue Virgile (70-19 av. J.-C.) prévient : « Enfants cueillant les fleurs, les fraises au sol naissant, / Fuyez d’ici : se cache en herbe un froid serpent. » Si les Romains picorent les fraises des bois, ils s’en font aussi des masques de beauté pour redonner de l’éclat à leur peau. Il faut attendre le Moyen Âge pour que se déve- © Pixabay © Neurdein / Roger-Viollet UN PEU D’HISTOIRE... La fraise Retour des champs, à Verrières-leBuisson, vers 1900. La fraise est en fait un faux fruit qui appartient à la famille des rosacées où l’on trouve les rosiers, les ronces…
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