Grand Frais - magazine avant-goût

71 Avant-Goût du Chili fricote aussi avec celui de Virginie, donnant un fruit girond aux senteurs d’ananas, ce qui lui vaut le nom de « fraisier ananas ».Ainsi, « la fraise moderne est née, constate le pâtissier Christophe Adam dans Fraise3 où il rappelle que la Bretagne, avec Plougastel, est encore de nos jours un des principaux centres de production fraisière, avec la Provence (Carpentras), le Sud-Ouest (Lot, Lot-et-Garonne, Dordogne), la Lorraine (Woippy) et le Val de Loire (Orléans, Saumur). Hors territoire, la Belgique est aussi un pays roi de la fraise. On ne présente plus l’Espagne et la Californie comme pays producteurs de fraises en mode intensif. Il ne faut pas, enfin, oublier le Japon, dont les habitants vouent un véritable culte à la fraise. On y déguste les fraises d’hiver en décembre-janvier et les fraises d’été à partir d’avril-mai, et l’on y fait figurer le fruit rouge dans une myriade de friandises, gâteaux, glaces et entremets ». Si, aujourd’hui, la fraise fait l’unanimité des papilles, il n’en fut pas toujours ainsi comme l’explique Éric Birlouez, sociologue de l’agriculture et de l’alimentation : au Moyen Âge, « les nobles ne tiennent pas ce fruit en grande estime.À leurs yeux, la fraise présente le grave défaut de croître au ras © Collection privée Plougastel, cueillette des fraises, 1934. Historiquement, c’est dans cette ville du Finistère (Bretagne) où elles se sont le mieux développées dès le XVIIIe siècle. du sol. Or, dans la vision du monde de l’époque, la terre est, parmi les quatre éléments constitutifs de l’univers (avec le feu, l’air et l’eau), celui qui est perçu comme le moins noble. Les végétaux qui poussent sous la terre ou à sa surface pâtissent de cette image négative. C’est pourquoi les fraises (de même que les melons et l’ensemble des légumes) sont considérées comme des aliments non “adaptés” aux membres de la noblesse ». Pourtant, plus tard, une tête couronnée fit beaucoup pour la fraise : Louis XIV en raffolait jusqu’à l’indigestion, à tel point que son médecin finit par lui en interdire la consommation.Thierry Delahaye et Pascal Vin rapportent que « sans rancune, le Roi-Soleil lança auprès de ses courtisans un concours de poésie sur le thème de la fraise. Furent récompensés ces quelques vers :“Quand de juin, s’éveille le mois / Allez voir les fraises des bois / Qui rougissent dans la verdure, / Plus rouges que le vif corail / Balançant comme un éventail / Leurs feuilles à triple découpure.” » • 1. Éd. Agnès Vienot, 2003. 2. Éd. Actes Sud, 2000. 3. Éd. de la Martinière, 2018.

RkJQdWJsaXNoZXIy NTY3Nzg=